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La légende d'Eddy Oberson

Pendant un orage terrible qui semblait devoir tout anéantir, un rocher, grand comme l'église de Bulle, se détacha du vanil blanc. Projeté avec une rapidité fulgurante, il prit feu dans les airs et vint s'abattre sur le plat du lieu-dit les Joncs. Il y brûla le gazon, projeta la terre au loin, s'enfonça profondément, laissant à découvert un gouffre, qui forme aujourd'hui le lit d'un petit lac.

À la suite de cet incident, trois fois par jour, une voix lugubre s'échappait de l'entonnoir : « Jetez-moi un homme ! Jetez-moi un homme ! » Terrifiant appel qui résonnait sur cette colline. Nulle herbe ne croissait aux alentours, nul animal n'osait approcher, car la terre était encore brûlante.

Or il arriva qu'entre, le tenancier du Gros chalet et un certain Eddy, une rivalité éclata. Les deux armaillis s'étaient voué une haine mortelle depuis qu'ils prétendaient tous deux à la main de la gracieuse Lyse Moret de Rathvell, la plus belle fille et la plus riche des alentours de la Veveyse.

Un soir d'août, l'armailli du Gros chalet apprit que son émule avait dansé avec Eddy, le dimanche précédent, à l'auberge de la Croix-Verte. 

La jalousie du Tenancier se mua rapidement en fureur. Il jura de se venger promptement. Il mit au point un stratagème finaud ; il envoya une lettre à Eddy afin de lui donner rendez-vous en signant le nom de la Lyse Moret. Eddy, aveuglé par les sentiments qu’il portait à l’égard de sa douce, partit pour le plat des Joncs ou venait de tomber cette masse de feu.

Le Tenancier, tapis dans l’ombre attendit son rival aux abords du lac. Dès qu’Eddy arriva, il l'étourdit d'un coup de hache derrière la tête. Il s’adressa à Eddy en disant : « ma vengeance est faite, jamais tu n’auras la main de la belle Lyse Moret ». Dans un élan de rage, le tenancier saisit Eddy par les jambes, encore tout étourdi par le coup porté à sa tête, et vint le jeter dans le gouffre maudit.

Une fumée noire en sortit aussitôt et mille serpents enlacèrent les jambes du meurtrier. La foudre frappa le criminel, qui roula dans la tanne, où il rejoignit sa victime.

Le génie malfaisant, qui hantait la profondeur, possédait ainsi deux hommes au lieu d'un. Dès lors, apaisé, satisfait - il pouvait l'être -, l'esprit infernal ne poussa plus jamais son lugubre cri. Des eaux s'amassèrent dans le trou, l'herbe y grandit, les terres le comblèrent en partie. Il n'en resta bientôt que le petit lac actuel, à l'eau amère, où seules les grenouilles vivent et où les chèvres même ne veulent point s'abreuver.

A la dévouvertes de ces faits, la Lyse Moret de Rathvel en fut tellement attristée qu’elle partit sans laissé de trace de la région. Personne, même sa famille la plus proche ne fut avisée de quoique ce soit.

Selon la légende, avant de partir à son rendez-vous fatal, Eddy avait prévu de fuir avec la belle Lyse Moret de Rathvel pour s’installer ailleurs, loin de cette contrée mal habitée, loin des menaces et des armaillis jaloux. En préparant sa fuite, il cacha son journal, un plan, et une liste d’objet nécessaire pour rallier un endroit secret ou il aurait caché une petite fortune qui lui permettrait d’acheter un petit lopin de terre dans une région reculée de ce canton nouvellement entré dans la confédération helvétique naissante. 

Depuis sa disparition, personne n’a jamais pu retrouver quelconque trace de ce trésor qu’Eddy Oberson aurait prétendument caché dans la région. Certains pensent même qu’Oberson n’aurait jamais sciemment préparé sa fuite, tant il était aveuglé par sa simplicité d’esprit. 

Les légendes nous sont transmises par nos aînés, celle-ci nous a été transmises il y a plus de 20 ans. Les anciens, dans leur infinie sagesse, ne racontent pas ces légendes pour rien, si elles se transmettent, c’est très probablement qu’elles sont réèlles… 

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